Résidence de création en détail  


Compagnie Cabas

Juste une femme

du 11 octobre 2021 au 24 octobre 2021


Porter la parole d’une autre femme, moins privilégiée, pour la faire exister, pour la défendre, pour tenter de lui donner de l’importance, pour faire entendre son parcours, sa traversée, sa migration, son histoire. M’imprégner de ce parcours singulier pour le ressentir, en éprouver la teneur, les contours. Etre capable de plus que de la compassion. Retranscrire. Humaniser cette histoire, lui donner corps, pour que cette vie prenne la valeur qu’elle mérite d’avoir. Et l’extraire des chiffres, des « vagues » qui font peur et déshumanisent ces personnes qui arrivent à nos frontières. En faire une biographie comme on le ferait pour un président ou un écrivain, quelqu’un qui le mérite. Comme si les autres ne le méritaient pas. Le temps d’un spectacle s’immerger dans la vie de cette femme. Comme un hommage. A toute ces vies brisées, hachées, abimées.

Je suis artiste de cirque, voltigeuse en disciplines aériennes depuis ma sortie du CNAC (Centre National des Arts du Cirque) en 2003.

Juste une femme regroupe plusieurs envies et nécessités qui me traversent depuis plus ou moins longtemps.

Tout d'abord travailler seule, moi qui ai vécu de nombreux collectifs depuis toutes ces années du fait de la discipline aérienne. Me lancer dans un projet où le corps reste central mais dans une autre mesure, plus proche du sol. Eprouver l’intimité. La solitude. Cette solitude qui permet la liberté, et l’engagement total.

Ensuite travailler sur un sujet auquel je suis particulièrement sensible depuis de nombreuses années: le sort de ceux qu’on appelle « les migrants ».

Et puis l’envie de travailler avec les techniques du documentaire sonore, dans lesquelles je me suis plongée récemment et qui me passionnent.

Enfin l’envie de raconter l’histoire d’Asseitou, qui est arrivée de Côte d’ivoire il y a peu de temps avec son mari, et dont l’histoire, au delà de l’horreur, est un mélange incroyable de courage, de force, et de chance inouïe, un destin qui me fascine, autant qu’il me révolte.

Je suis donc allée rencontrer Asseitou et je l’ai interviewée. Cet enregistrement, c’est la base du spectacle.

En scène il y aura donc une femme seule, qui tâchera d’éprouver, de témoigner, de comprendre et d’exister aussi. Une femme, et une structure, conçue comme un pont, permettant une traversée. Celle de la vie de quelqu’un, d’une frontière, de sa propre solitude, de sa culpabilité ou de sa colère face au monde et ses injustices.

Comme il faut du courage pour s’affronter soi-même, ou pour oser crier sa colère.

Comme il faut du courage pour tout laisser et partir. Comme il faut du courage pour traverser les pays, les frontières et les mers. Ce même courage dont nous manquons cruellement quand nous refusons de voir, quand nous refermons le journal, ou éteignons la radio.

Cécile Yvinec


Voir les autres résidences de l'année